Pas de nouvelles, bonnes nouvelles ?

C’est l’une de ces grandes questions qui reste sans réponse : où sont les extraterrestres ?

La question passionne tant la communauté scientifique que les amateurs. Finalement, elle démontre à quel point nous sommes impatients de découvrir des traces de vie ailleurs dans le cosmos.

Cependant, cet engouement n’est pas partagé par tout le monde.

En effet, pour Nick Bostrom, directeur de l’Institut du futur de l’humanité d’Oxford, la découverte d’une forme de vie extraterrestre, comme une bactérie, constituerait une très mauvaise nouvelle pour l’avenir de l’humanité.

La découverte d’une forme de vie complexe, comme une civilisation extraterrestre, serait un avertissement encore plus alarmant.

Mais alors, en quoi la découverte de traces de vie extraterrestres menacerait l’avenir de l’humanité ?

Le Paradoxe des chiffres

Pour le comprendre, il faut d’abord appréhender la vie dans notre univers de la bonne manière.

En effet, tout porte à croire que l’existence de la vie dans notre cosmos n’est pas une norme, mais au contraire un phénomène extrêmement rare.

Pour le prouver, on peut retenir deux phénomènes principaux.

1/ L’univers est toujours silencieux

« Où sont ces foutus extraterrestres ? »

Nous sommes en 1950. Lors d’un déjeuner avec ses collègues, le physicien Enrico Fermi a posé les bases d’un débat qui nous fascine encore.

Les questionnements du physicien sur la vie extraterrestre furent baptisés : « Paradoxe de Fermi ». Mais pourquoi un paradoxe ?

Fermi raisonna à partir du constat suivant : l’humanité n’a jamais trouvé des traces de vie extraterrestre. Pourtant, nous vivons sur une planète jeune (environ 4,5 milliards d’années) par rapport à l’ancienneté de l’univers (environ 14 milliards d’années).

Enrico Fermi

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Pour Fermi, si des civilisations extraterrestres existaient, leurs représentants devraient déjà nous avoir fait signe. Or, nous ne les avons jamais détectés.

Et ce, malgré des recherches poussées qui durent depuis des décennies, et qui impliquent les technologies les plus sophistiquées jamais créées.

2/ L’incroyable quantité de planètes habitables

Mais Fermi pouvait difficilement imaginer à quel point le paradoxe qu’il avait théorisé allait se bonifier avec l’âge.

Car les informations sur l’univers dont disposait Fermi en 1950 étaient dérisoires par rapport à nos connaissances actuelles.

Nous avons aujourd’hui détecté un nombre impressionnant d’étoiles et de planètes, chose impossible à l’époque !

Mais de quelles quantités parlons-nous réellement ?

a) les étoiles

Sans le Soleil, notre planète serait une gigantesque boule de glace, incapable de supporter d’eau liquide en son sein.

Le nombre d’étoiles dans notre univers est encore flou, même si l’on peut partir du principe qu’il y a :

  • ~ 100 milliards d’étoiles dans la Voie Lactée, notre galaxie
  • ~ 100 milliards de galaxies dans l’univers observable (au minimum -une étude récente fait état de 2000 milliards de galaxies)

Si on multiplie le nombre d’étoiles par le nombre de galaxies, on obtient… 10 000 000 000 000 000 000 000 étoiles dans notre univers.

Il y aurait donc plus d’étoiles dans notre univers que de grains de sables sur la planète Terre.

Une galaxie photographiée par le téléscope Hubble

Les étoiles fourmillent dans notre univers. Mais leur quantité astronomique ne nous prouve toujours pas que la vie existe ailleurs…

b) les planètes habitables

Les planètes habitables sont des planètes semblables à la Terre, dans la mesure où elles peuvent maintenir l’eau à l’état liquide à leur surface.

Chaque année, nous en découvrons des dizaines. En plus de contenir de l’eau liquide, elles possèdent une masse et une température similaire.

Dans une récente étude, des chercheurs ont suggéré que notre seule Voie Lactée pourrait abriter pas moins de 40 milliards de planètes habitables.

Même si 1% de ces planètes avaient développé la vie, et qu’1% de ces mêmes planètes avaient développé une vie intelligente, nous aurions actuellement 4 millions de voisins dans notre galaxie.

Mais alors pourquoi la vie a tant de mal à se faire une place dans le cosmos ?

Le Grand Filtre

Cette absence apparente de vie amena le philosophe Nick Bostrom à spéculer sur l’existence d’un « Grand filtre ».

Le Grand filtre peut-être vu comme un évènement universel (s’appliquant à toute forme de vie dans le cosmos) qui fait barrage au développement de la vie.

Le Grand filtre doit être un évènement assez puissant pour que même à travers des milliards de planètes habitables, la vie ne parvienne pas à atteindre un stade de maturité lui permettant de laisser des traces de son existence dans l’univers.

Il existe deux possibilités quant à l’intervention de ce filtre dans l’évolution de la vie :

  1. le Grand filtre se situe derrière nous (et on l’a échappé belle !)
  2. le Grand filtre se situe devant nous (ce scénario est alarmant)

1) Le Grand Filtre est derrière nous

Dans ce scénario, pour que la vie intelligente puisse émerger, un enchaînement de circonstances hautement improbables devrait avoir lieu.

Par exemple, la vie sur Terre semble n’avoir pu se développer que grâce à des coups du destin qui nous rendent extrêmement chanceux. J’ai eu l’occasion d’en discuter en détail dans mon précédent article.

Un exemple parmi tant d’autres consisterait à étudier le rôle qu’a joué la Lune dans notre évolution.

La présence de ce satellite extraordinairement massif par rapport à la moyenne autour de la Terre aurait été un facteur déterminant dans l’apparition de la vie.

La masse de la Lune permet, par effet gravitationnel, à l’axe de rotation de notre planète de se stabiliser, nous évitant des cycles saisonniers trop chaotiques.

Sans la présence de la Lune, la vie intelligente n’aurait que très peu de chances de se développer.

Il semble donc que nous avons surmonté avec chance certains filtres qui empêchent habituellement l’émergence de la vie. Malgré tout, le pire reste peut-être à venir.

2) Le Grand Filtre est devant nous

Souvenez-vous : pour Bostrom, la découverte d’une forme de vie primitive dans notre Système Solaire constituerait une mauvaise nouvelle pour l’humanité.

D’après le philosophe suédois, si la vie est présente sur deux planètes différentes dans notre minuscule Système Solaire, alors elle doit également être abondante dans l’univers.

Cela signifierait que le Grand filtre n’est pas derrière nous (puisque les formes de vie élémentaires n’on aucun mal à se développer), mais bien devant nous.

Autrement dit, il existerait un évènement qui impacte toutes les civilisations avancées comme la nôtre.

Ce cataclysme les empêcherait de poursuivre un développement à plus grande échelle, et donc de laisser des traces de leur existence dans l’univers.

Si le Grand filtre est devant nous, notre sort est scellé.

3) Quel candidat au Grand filtre ?

Le Grand filtre doit être un évènement commun, qui s’applique à toutes les formes de vie, quelle que soit leur localité dans l’univers.

En effet, si le Grand filtre n’a pas la même incidence sur toutes les formes de vie, alors des milliards de civilisations pourraient s’en affranchir.

Dans ce cas, nous aurions déjà dû détecter leur existence, leur quantité étant astronomique.

Partant de ce constat, on peut déjà éliminer un candidat au rôle de Grand Filtre : les évènements indépendants de l’homme.

Des évènements comme un impact d’astéroïde ou l’éruption destructrice d’un volcan, ne peuvent donc pas être candidats au Grand filtre.

Il est possible qu’un astéroïde précipite notre extinction. Il est cependant impossible que des milliards de civilisations comme la nôtre soient détruites par des astéroïdes avant de laisser des traces de leur existence dans l’univers.

Le Grand filtre doit donc être un évènement anthropique, et donc dû à l’existence de l’homme.

On pourrait s’imaginer par exemple que toutes les civilisations intelligentes découvrent un jour une technologie qui cause leur destruction.

Mais quelles sont les technologies qui pourraient terrasser uniformément toutes les civilisations intelligentes ?

Notre histoire récente peut nous donner des éléments de réponse. Il existe en effet de nombreuses inventions humaines qui font peser un risque existentiel sur notre civilisation.

En 1962, le monde à faillit basculer dans le chaos lors de la crise des missiles de Cuba, et la menace nucléaire ne s’est toujours pas estompée, loin de là.

La crise climatique actuelle présente également un risque existentiel majeur pour l’avenir de l’humanité.

Aussi, l’astrophysicien Adam Frank suggère que le changement climatique pourrait être un phénomène commun à toute civilisation avancée

« Une civilisation avec individus utilisera les ressources de sa planète pour augmenter n, mais dégradera en même temps l’environnement de sa planète. »

Ce dont on est certains, c’est que pour être un candidat crédible au Grand filtre, la technologie dévastatrice qu’on imagine devra respecter deux critères :

  • elle sera découverte par la grande majorité des civilisations avancées
  • sa découverte causera l’extinction de la grande majorité des civilisations avancées

4) Le Grand filtre n’est pas la seule solution

D’autres arguments que le Grand filtre pourraient cependant expliquer l’absence de visite extraterrestre. En voici une sélection :

Le Grand filtre est éphémère

  • Le Big Bang fut un évènement chaotique, est pendant des milliards d’années le développement de la vie était impossible. Il est donc possible que les conditions nécessaires à l’émergence de la vie viennent tout juste d’être atteintes. Dans ce cas là, d’autres civilisations semblables à la nôtre sont en train de sortir de leur nid, comme nous.

Les aliens n’ont jamais eut d’intérêt à explorer l’univers, ni à communiquer avec d’autres civilisations.

  • Dans ce scénario, tout contact avec d’autres civilisations représente une menace pour les extraterrestres. Ainsi, aucune de ces civilisations n’ose communiquer avec l’extérieur pour rester à l’abri d’une attaque extérieure.
  • Cependant, cet argument me semble fragile : il est improbable que toutes les espèces intelligentes adoptent la même posture. Encore une fois, même si une majorité d’espèces refuse de communiquer avec l’extérieur, une minorité suffirait pour qu’un contact soit établi..

Si tous ces scénarios restent hautement spéculatifs, il n’en demeure pas moins qu’ils sont tous fascinants, et que la vérité qui s’y tapi l’est tout autant.

Malgré tout, si vous apprenez demain dans le journal que l’on a trouvé des bactéries à la surface de Mars, gardez la tête froide !

Le Grand filtre pourrait avoir le dernier mot.

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