Cet article est en partie inspiré du podcast « Your undivided attention » avec Daniel Schmachtenberger et Tristan Harris
Toutes les civilisations finissent par disparaître.
C’est ce que l’histoire nous a enseigné.
Les Mayas, les Vikings, ou encore l’Empire romain, toutes ces sociétés se sont effondrées. Parfois parce qu’elles ont été écrasées par une force extérieure, souvent parce qu’elle s’auto-détruisent (sans faire exprès, hein).
La physique semble également nous dire que l’expansion de notre univers conduira, un jour, à sa mort thermique.
Donc dans tous les cas, c’est une question de durée.
Mais quelle durée, au juste ?
Bonne question. À vrai dire, notre civilisation moderne pourrait survivre encore un bon bout de temps.
Même quand le Soleil explosera dans 5 milliards d’années, on aura peut-être trouvé un moyen d’échapper au destin funeste de notre planète, pour aller siroter quelques caipirinhas sur les dunes d’une soeur jumelle dans la galaxie Andromède.
Mais nous n’en sommes pas encore à ces stades de réflexion.
Parce qu’avant de penser aux vaisseaux spatiaux, encore faut t-il éviter de nous faire sauter sur cette planète !
Un nouvel ordre mondial
Notre civilisation vit la fin d’une ère. Et on l’espère, le début d’une nouvelle.
Pour l’expliquer, faisons un petit historique.
Avant la Seconde Guerre mondiale, le niveau technologique de notre espèce était mesuré.
Si une civilisation rencontrait un risque catastrophique (à travers une guerre par exemple), au moins ce risque avait le mérite d’être limité à une petite portion du globe terrestre.
Au Moyen-Âge par exemple, un conflit armé entre deux royaumes pouvait causer l’anéantissement de populations entières.
C’était dramatique, mais « l’avantage », c’est que cela n’affectait pas d’autre civilisations qui en étaient éloignées géographiquement. Nous ne disposions tout simplement pas d’armes assez puissantes pour faire sauter la planète.
À la fin de la Seconde Guerre mondiale, cela a changé.
L’avènement de la bombe atomique nous a fait basculer dans un nouveau monde. Désormais, le risque catastrophique n’était plus local, mais global.
Appuyez sur le bouton nucléaire, et c’est l’existence même de notre civilisation qui est en péril.
Pour éviter le scénario catastrophique d’une Troisième Guerre mondiale sous stéroïdes nucléaires, nous avons donc décidé de créer un nouvel ordre mondial, qui permettrait à tout le monde de vivre un peu plus sereinement.
Nous avons donc donné vie à un nouveau système international.
Ce système peut-être caractérisé par :
- l’équilibre de la terreur : aucune nation n’a intérêt à attaquer l’autre, puisque dans un monde nucléarisé, personne ne gagne
- la globalisation : dans une économie mondialisée, je n’ai pas d’intérêt à attaquer mon voisin, puisque ma situation est meilleure lorsque j’échange avec lui que lorsque je lui fais la guerre
- une croissance infinie : en faisant croître l’économie très rapidement, tous les pays peuvent produire plus de richesses, sans avoir à voler la part du gâteau de son voisin
Sauf que ce système affiche aujourd’hui ses (grosses) limites…
Les limites du nouvel ordre mondial
Le système international post Seconde Guerre Mondiale ne peut plus continuer, sous peine de nous faire retourner à l’âge de pierre.
Pourquoi ?
Voici quelques exemples :
1. Le monde ne peut pas avoir une croissance infinie dans une planète finie
Notre système économique est fondé sur les perspectives d’une croissance infinie, tandis que notre monde dispose de ressources finies.
Si notre croissance continue à augmenter de 3% par an dans les 30 prochaines années, cela nécessitera une consommation d’énergie et de matière équivalente à celle des 10 000 dernières années.
Ce qui est intenable. Nous devons donc urgemment changer ce modèle.
2. Notre société regorge de pièges multipolaires
Un piège multipolaire surgit lorsque des acteurs individuels sont incités à prendre des mesures préjudiciables à l’ensemble d’un groupe sur le long-terme, pour en retirer un bénéfice sur le court-terme.
Par exemple :
En 2025, les États-Unis souhaitent arrêter la surpêche pour éviter une catastrophe écologique.
Malgré tout, cette décision n’empêche pas d’autres pays, comme la Chine, à continuer la surpêche.
Ce qui permettra à la Chine de prendre un avantage économique sur les États-Unis, tandis que la catastrophe écologique aura tout de même lieu, même si les États-Unis arrêtent la surpêche.
Les américains ont donc intérêt à continuer la surpêche, pour ne pas perdre d’avantage économique sur le court-terme, même si cela provoque une catastrophe qui porte préjudice à l’ensemble des nations sur le long-terme.
On retrouve les pièges multipolaires dans de nombreux domaines, comme le développement de nouvelles technologies (coucou l’intelligence artificielle).
3. Les armes de destruction massive se multiplient
La bombe atomique a de nouveaux copains.
Des personnalités comme Elon Musk ou Stephen Hawking nous ont mis en garde contre le développement d’une intelligence artificielle qui surpasserait considérablement l’intelligence humaine.
Si cette technologie tombait dans les mains d’acteurs mal intentionnés, ou décidait tout simplement de définir ses propres objectifs, notre espèce pourrait en faire les frais.
D’autres technologies, comme les armes biologiques, pourraient également représenter à terme un danger planétaire.
4. Les armes de destruction massive se démocratisent
À cause de nos progrès, les nouvelles technologies sont de plus en plus facilement accessibles. Et les risques qu’elles comportent également.
En effet, des armes maîtrisables à l’échelle d’individus pourront bientôt causer des dégâts planétaires.
Par exemple :
-> Une cyberattaque contre le système financier lancée par un simple groupe d’hackers
-> Une arme biologique développée dans un petit laboratoire clandestin (dans ce cas, il n’y a même pas besoin d’avoir de mauvaises intentions, une simple fuite faisant l’affaire)
5. La globalisation a rendu notre monde fragile
Dans un monde globalisé et interconnecté, un accident local peut rapidement devenir global. C’est ce qu’on a vu avec la crise du Covid, et c’est ce qui pourrait se répéter dans le futur.
Nous ne faisons donc pas seulement face à une crise qui peut stopper la marche de notre civilisation, comme le changement climatique.
Nous sommes plutôt confrontés à de multiples crises qui viennent toquer à notre porte.
Ce qu’on appelle : une méta-crise.
La méta-crise
Selon le philosophe Terry Patten, la méta-crise représente « la somme de nos urgences écologiques, économiques, sociales, culturelles, et politiques. »
Une autre définition du philosophe Jonathan Rowson :
« La métacrise est la crise sous-jacente entraînant une multitude de crises, pas seulement un effondrement écologique.«
Pour assurer la pérennité de notre civilisation, il ne suffit donc pas de résoudre une crise, comme le changement climatique.
Nous devons plutôt créer un modèle alternatif qui permette de résoudre cette multitude de crises.
Comme on l’a vu, l’ordre mondial que nous avons construit suite à la Seconde Guerre mondiale n’est pas en mesure de régler la méta-crise, puisqu’il en est le générateur même.
Mais avant de se pencher sur un modèle alternatif, résumons.
Il y a 2 grandes périodes liées aux risques catastrophiques :
- Pré-Seconde Guerre Mondiale (risque local). Il peut y avoir du bordel mais il ne peut pas détruire l’ensemble de la civilisation
- Post-Seconde Guerre Mondiale (équilibre de la terreur, croissance infinie, interconnexion). Le vrai bordel est très rare, mais s’il a lieu c’est un vrai bordel qui peut nous faire retourner à l’âge de pierre
La prochaine période (notre futur) sera déterminée par les solutions que l’on apportera à la méta-crise.
Pour ça, il y a (supposément) 3 scénarios.
Voici les 2 premières qui ne disposent pas d’un grand sex-appeal :
- Le chaos : aucune solution n’a été apportée pour résoudre les limites de notre système actuel. La crise climatique s’accentue, la course aux armements continue, et les conflits se multiplient. Notre société globalisée finit par s’effondrer, un jour ou l’autre.
- L’oppression : pour éviter le chaos, les États décident d’utiliser la technologie pour renforcer leur pouvoir de surveillance. Nous entrons dans une société de surveillance généralisée, dans laquelle chaque citoyen est suivi à la trace. Un remake de 1984.
Heureusement, il existe (beaucoup) de solutions qui permettraient de tracer une 3ème voie !
Une société alternative qui devrait, par exemple :
- prendre en compte les limites physiques de notre planète
- utiliser la technologie pour réinventer l’éducation et nos systèmes démocratiques
- proposer de nouveaux mécanismes de coordination pour résoudre les pièges multipolaires
Mais comment y parvenir ?
(Rendez-vous prochainement pour la 2ème partie !)